Le pôle sud d’économie sociale etsolidaire basé à Romans dans la Drôme accueillait une journée nationale le 11
juillet 2013 sur les pôles territoriaux de coopération économique (PTCE). Ce
concept a été lancé en 2009 par des acteurs de l’économie sociale et solidaire dont
la fédération Coorace (insertion par l’activité économique), le labo de l’économie
sociale et solidaire (think tank) etc. en adaptation à la seule approche des pôles
de compétitivité d’entreprises classiques qui cherchent ainsi à atteindre des « masses
critiques suffisantes pour acquérir ou développer une visibilité
internationale».
Christophe Chevalier (Archer)
Le projet de l’économie de la coopération sur un territoire soutenu par l’Etat
Le pôle de coopération et de non
de compétitivité se définit comme un groupement d’acteurs sur un territoire –
entreprises et acteurs de l’économie sociale et solidaire associés à des
petites et moyennes entreprises, collectivités locales, centres de recherche et
organismes de formation – qui met en œuvre une stratégie commune et continue,
de coopération et de mutualisation, au service de projets économiques innovants
de développement local durable. On retrouve là la problématique de la recherche
action de la FNAB et sa question de recherche[1] : « Quels
modes d’organisation des producteurs pour accompagner le changement d’échelle
de l’agriculture biologique et permettre une économie agro-alimentaire
relocalisée, durable et équitable ? ». L’agriculture biologique est bien
mentionnée par ailleurs comme un de secteurs concernés par cette démarche de
PTCE.
Avec les PTCE comme avec les
démarches inter organisations économiques de producteurs bio (OEPB) analysée
par la recherche action de la FNAB, l’enjeu est à la fois économique,
organisationnel et politique. Il s’agit en effet d’identifier et de reconnaitre
des initiatives locales de coopération pour la transformation sociale et la
transition écologique de notre économie territoriale.
Premier débat récurrent mais
indispensable pour la compréhension
commune, celui de la définition du territoire. Les participants ont rappelé que
pour l’entreprise classique, dans une logique marketing, le territoire c’est
son « produit » bien que les entrepreneurs reconnaissent leur
attachement, parfois, au territoire social, culturel, historique dans lequel
ils font économie. Dans la logique de l’économie sociale et solidaire, l’approche
territoriale est évidemment multidimensionnelle dès le départ comme en témoigne
le PTCE porté par le groupe Archer à Romans qui s’est ouvert aux PME locales
pour des actions liées aux besoins avérés ou insatisfaits du territoire.
Philippe Drésin le maire de la ville et président de la communauté de communes
se reconnait dans ce mode « projet co-construit »: quand le PDG
d’Archer vient me voir, il me dit qu’est-ce qu’on pourrait développer ensemble
sur ce territoire, ce n’est pas le discours d’un entrepreneur qui me dit je
vais créer 70 emplois qu’est-ce que vous faites pour moi ? ». On est
bien là dans une communauté de destins partagés plutôt que de la définition de
territoires plus ou moins compétitifs selon l’accueil qu’ils réservent à l’implantation
des entreprises.
Claude Alphandéry (Le Labo ESS)
Pour Claude Alphandéry, président
du labo de l’économie sociale et solidaire, notre société en crise est d’abord
celle d’un modèle économique et social qui abime l’Humain et détruit la nature.
C’est une crise profonde. Pour l’ancien résistant, « il faut réagir, agir
et ne pas rater notre coup ». Il invite les acteurs de l’économie sociale
et solidaire à se saisir de l’appel à projet[2] de l’administration
du ministère de Benoit Hamon et de Cécile Duflot pour les futurs PTCE.[3]
Mais pourquoi donc vouloir
faire un PTCE quand on est un entrepreneur ?
En termes de politiques
publiques, on voit bien « l’enjeu filière » qu’il y a à articuler le
soutien PTCE avec celui des agences de l’eau par exemple et des collectivités.
Y aura-t-il pour autant des projets structurés et structurants pour aller ensuite
chercher des investissements stratégiques de l’Etat ? Créer une SCIC,
relier des acteurs économiques et/ou institutionnels, se référer à des
politiques publiques suffit-il ? Quid d’un modèle économique de la
coopération économique et de la co-production des politiques de développement
local ? Christophe Chevallier, PDG d’Archer a bien rappelé que son
entreprise est la force motrice du PTCE ce qui est aussi sa faiblesse en l’absence
d’autres entreprises porteuses, le risque est grand par ailleurs de supporter
seul l’ingénierie et l’innovation pour le PTCE sans perdre de vue la
rentabilité de sa propre entreprise… de fait, le modèle économique du PTCE n’est
toujours pas établi. Quid aussi des impacts réels de cette coopération
économique sur la création d’emplois, l’insertion sociale et le développement
durable ?
Du coup, les entrepreneurs
présents à cette réunion insistent sur l’objectivation pour l’entrepreneur des
intérêts à entrer dans la coopération territoriale. Ils mettent en évidence les
risques d’institutionnalisation de ces PTCE dès lors qu’ils prennent une
dimension législative et qu’ils passent sous les fourches caudines de la
labellisation et de la normalisation…
Hugues Sibille (Avise)
Faire de la coopération
économique, c’est avant tout pour la durabilité de son activité, un modèle
économique « charges/produits » dans la durée pour Hugues Sibille,
Président de l’Avise, qui doit permettre des impacts sociaux et
environnementaux et générer des hybridations de ressources publiques – privées (en
liens avec les politiques publiques). Difficile en effet tout seul d’inscrire
sa stratégie d’entreprise dans cette complexité des opportunités et contraintes
des politiques de développement économique local.
En ce sens, la fonction « recherche
et développement » territoriale générée par le PTCE est reconnue comme une
fonction légitime puisque nécessairement coopérative pour exister. Autre exemple avec la coopérative agricole des
fermes de Figeac qui a co-construit une coopération territoriale sur la gestion
prévisionnelle des emplois et compétences (GPEC) en réponse au problème de main
d’œuvre qualifiée et d’une population active vieillissante en milieu rural. Cet
exemple témoigne d’un intérêt économique « à faire commerce ensemble »
en distribuant les produits d’autres territoires organisés (exemple chaussures
de Romans et produits du terroir de Midi-Pyrénées).
Cette fonction « plate forme »
entre entreprises permet aux entrepreneurs de sortir de leurs boites et d’investir
ensemble les enjeux de la gouvernance locale d’une manière plus organisée et
stratégique (dont Pays et son conseil de développement). Philippe Drésin que
cette coopération territoriale permet ainsi de structurer une vision éthique
convergente entre élus et entreprises. Force est de constater selon lui que
nombre d’élus, de droite comme de gauche, sont agacés par l’économie sociale et
solidaire qu’ils connaissent mal et qui vient heurter le modèle dominant qu’ils
ont en tête, du coup un PTCE « institutionnalisé » devient un moyen
de reconnaissance pour les acteurs. Mais pour Pierre Grosset, pdg de Juratri et
conseiller régional, cette démarche ne doit pas être « moralisatrice »
vis-à-vis de l’autre économie, comme parée d’une vertu intrinsèque…
Michel Adam (Le Labo ESS)
Enfin, le PTCE devient utile
comme un outil d’évaluation des démarches coopératives. Michel Adam a présenté
le référentiel d’analyse (une 35ème version ?) autour de 3
objectifs généraux (le territoire, les processus coopératifs, l’économie
intégrée qui rappellent le modèle de la recherche action FNAB avec le
territoire, les acteurs, les projets), 9 principes et 36 indicateurs qu’il
anime dans les PTCE existants. On peut ainsi trouver 10 indicateurs sur 36
relatifs à l’environnement, 11 sur 36 à l’emploi. La phase d’appropriation par
les acteurs du référentiel nécessite forcément une intervention ad hoc de l’évaluateur
pour permettre ce dialogue constructif entre les acteurs du PTCE et entre PTCE.
Le plan d’action national 2013-14
a dégagé un axe de travail sur la contribution des PTCE à la sauvegarde et
création d’activités économiques dans le cadre du redressement productif. Le
LABO de l’ESS et COORACE en partenariat avec Pôle SUD ARCHER ont souhaité tout
particulièrement soutenir le développement de PTCE que l’on peut qualifier de «
PTCE redressement productif ». Cette journée du comité de pilotage des PTCE
Montebourgien fut aussi l’occasion d’un débat sur le sens des mots. Si la
dimension productive est toujours là, les participants ont préféré rebaptiser cette
démarche du terme de « renouveau », une bonne idée tant les finalités
sociales et environnementales des PTCE semblent éloignées des objectifs du
ministre en matière de transition énergétique.
Le réseau FNAB et les OEPB qui gravitent autour sont invités à s'emparer de cette démarche pour compléter la liste des PTCE et faire exister ceux de la "filière bio" au sens large. L'appel à projet des ministres peut nous aider à concrétiser ces démarches empiriques de coopération économique.
Le réseau FNAB et les OEPB qui gravitent autour sont invités à s'emparer de cette démarche pour compléter la liste des PTCE et faire exister ceux de la "filière bio" au sens large. L'appel à projet des ministres peut nous aider à concrétiser ces démarches empiriques de coopération économique.
julien Adda, délégué général FNAB
[2] Paru le
15 juillet http://www.lelabo-ess.org/?L-Etat-s-engage-en-faveur-d-une
[3] Article 6
du projet de loi sur l’économie sociale et solidaire : « il s’agit d’asseoir
juridiquement la compétence de l’Etat pour reconnaitre et soutenir ces « clusters »
innovants socialement et économiquement que sont les PTCE et qui se distinguent
des grappes d’entreprises classiques non seulement par l’hybridation entre les
structures de l’économie sociale et solidaire et les entreprises privées
lucratives, mais également par la stratégie de mutualisation qui les anime, au
service de l’utilité sociale et du développement durable ».
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